Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre 2011

Pour « Les femmes violées de Luvungi », reportage réalisé en septembre 2010 au Congo RDC, j’ai reçu le 1er prix Ouest-France/Jean Marin et le 3ème prix Bayeux catégorie presse écrite.

Les conditions de réalisation du reportage

Le plus compliqué fut d’accéder au village même de Luvungi et d’en revenir. Passons sur les difficultés pour obtenir un visa journaliste pour le Congo-RDC, puis sur le vol Kinshasa-Goma à bord de deux avions en piteux états. A Goma, une jeune traductrice se porte volontaire mais pas un chauffeur candidat au départ pour Walikale, petite ville enclavée au milieu de la forêt équatoriale. La zone, occupée par des miliciens Maï-Maï et des rebelles hutu des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), est jugée trop dangereuse. C’est finalement un hélicoptère de la Monusco (Mission de l’Onu au Congo) qui nous dépose.

Sur place, comme à Goma, il faut se signaler et s’enregistrer auprès des autorités locales. Tout est long, compliqué, il faut payer, négocier, parlementer pour obtenir les autorisations de circuler. Les casques bleus nous déconseillent de prendre l’unique piste menant au village martyre (à 85 km de là, soit environ 5 heures de trajet). Ils rappellent, ce qui est désagréable, que notre convoi comprend deux femmes dans une région où le viol est une arme de guerre. Les rebelles sont tout proche. Quelques jours avant, ils ont enlevé un pilote russe et son copilote et tué un major des FARDC. Nous patientons une journée puis décidons de tenter de notre chance. Une heure après le départ, nous entendons des coups de feu, venant de la jungle.

Arrivés à Luvungi, notre premier interlocuteur est le chef du village. Il n’a pas vu de journaliste depuis l’attaque qui a eu lieu un mois plus tôt… Il nous invite dans une sorte de petite hutte en paille – où les habitants nous rejoignent- et commence à raconter son histoire. Des femmes sont là, de tous âges, aux regards éteints. Aucune n’a été épargnée… Lorsque nous allons à leur rencontre, je passe devant, avec notre interprète. Nous pensons qu’entre femmes, il sera plus facile de parler. Aucun refus. Leurs récits sont saisissants, plein de pudeur. Jamais de larmes. Leurs enfants sont là. A côté de nous, ils écoutent… Le témoignage d’Anna, 80 ans, la doyenne du village, qui mime la scène qu’elle nous décrit est incroyable…

La route du retour est aussi incertaine que l’aller. A l’approche d’un hameau, une trentaine de personnes errent sur la piste en haillons, pieds nus, détroussés par les rebelles qui occupent cette zone depuis la veille. Il nous faut rebrousser chemin avant de repartir le lendemain.

Je revois Mariam, 25 ans, épluchant ses bananes plantin tout en me racontant le soir de l’attaque, ces quatre soldats qui la frappent et la violent. C’est la première fois que j’effectue un reportage en zone de guerre et dans la voiture où je tape mon article sur mon ordinateur pour être à l’heure au bouclage, j’ai du mal à appréhender cette horreur.

Article publié dans Ouest-France le 10 octobre 2011

Ma réaction le soir de la cérémonie de remise des prix